dimanche 3 avril 2011

Les agressions sexuelles précoces, pas toujours punies par la justice



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Au Québec, le quart des agressions sexuelles sont commises par des adolescents.
12 ans
C’est l’âge auquel un enfant peut être accusé d’une offense criminelle au Canada. Jusque dans les années 1980, cet âge était plutôt fixé à sept ans, comme c’est toujours le cas dans certains États américains. En Angleterre, cet âge a été fixé à 10 ans, en France, à 13 ans, et en Suisse et dans les pays scandinaves, à 15 ans.

Les agressions se­xuel­les commises par des enfants sont un phénomène rare, mais bien réel. Toutes ne sont cependant pas punies par le droit criminel. Alors qu’un adolescent de 12 ans auteur d’un viol peut être accusé d’une offense criminelle, un adolescent de 11 ans qui a commis le même geste s’en sortira sans aucune sanction.

Au Canada, les agresseurs âgés de moins de 12 ans ne peuvent en effet faire l’objet d’une poursuite criminelle. «Il existe une présomption d’absence de discernement qui ne peut être renversée, explique la professeure de droit pénal Diane Labrèche. Le droit criminel juge qu’il n’est pas opportun d’intervenir auprès de ces enfants, qui ont davantage besoin de traitements.»

C’est donc la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) qui prend en charge le dossier du jeune agresseur et qui détermine de façon confidentielle les mesures à adopter. La vie de l’enfant est passée au crible : Comment se comporte-t-il à la maison et à l’école? Reçoit-il du soutien de ses parents? Comprend-il la gravité de son geste? Éprouve-t-il des remords? A-t-il de l’empathie pour la victime?

Dans une majorité de cas, l’enfant reste dans sa famille et continue à mener une vie relativement normale. La famille reçoit l’aide d’un psycho-éducateur ou d’un intervenant social afin de développer des façons de mieux encadrer l’enfant.

Exceptionnellement, l’enfant sera hébergé chez des membres de sa famille élargie, dans une famille d’accueil ou dans un centre de réadaptation. «Pour certains parents, les gestes de cette nature sont tout simplement inacceptables et la situation familiale devient intenable, explique Nathalie Bibeau, adjointe à la Directrice de la protection de la jeunesse de Montréal. La mise à distance de l’adolescent devient alors nécessaire pour un certain temps.»

Responsabiliser et non punir
L’agression sexuelle d’une fillette de 9 ans par deux garçons de 9 et 11 ans et demi, survenue l’automne dernier dans une petite ville de la région de Lanaudière, avait soulevé l’indignation. La mère de la fillette, qui avait été agressée pendant plusieurs heures, avait dénoncé l’impunité des deux agresseurs.

«Ça peut être frustrant pour la famille d’une victime de savoir qu’il n’y aura pas de poursuite criminelle», reconnaît Nathalie Bibeau. À la DPJ, cependant, le mot d’ordre est «responsabiliser» et non «punir». L’enfant doit prendre conscience de son geste et apprendre à ne plus le reproduire.

«Il ne faut pas que le public pense que, parce qu’un enfant n’a pas l’âge d’être accusé, aucune mesure n’est prise, souligne Patrick Turcot, directeur adjoint des Services aux jeunes contrevenants des Centres jeunesses de Mont­réal, sans vouloir se prononcer sur ce cas précis. Est-ce si important qu’un jeune soit tatoué “jeune contrevenant”? L’important, c’est de le responsabiliser.»

L’aspect punitif, l’enfant le vit d’une autre façon, selon Nathalie Bibeau. «Ce n’est pas parce qu’il n’y pas de plainte au criminel que l’enfant ne sent pas la désapprobation sociale.»

Et la victime? «On vérifie si les parents sont en mesure de protéger la victime et de lui offrir l’aide requise. Si c’est le cas, il n’y a pas lieu de retenir les services de la DPJ», explique Mme Bibeau.

Une agression peut être prévenue dès la petite enfance
Inutile de blâmer l’internet et l’hypersexualisation des jeunes lorsque vient le temps de déterminer les causes pour lesquelles un jeune commet une agression sexuelle. Dans la plupart des cas, son trouble de comportement trouve sa source dans sa petite enfance.

Le psychologue Richard E. Tremblay, spécialiste de l’agressivité enfantine, ex­plique les troubles de comportement tels que l’agression sexuelle par le fait que l’enfant n’a pas appris à contrôler son agressivité dès les premières années de sa vie. «Les adoles­cents qui ont des problèmes de comportement en avaient aussi à l’âge de deux, trois et quatre ans, précise-t-il. On ne devient pas délinquant à l’adolescence.»

On le sait, tous les enfants peuvent se montrer cruels. «Mais certains plus que d’autres», précise M. Tremblay. Le comportement de l’enfant est largement influencé par celui de ses parents et s’inscrit dans un long cercle vicieux. Souvent, ses parents n’ont pas appris à contrôler leur agressivité pendant leur enfance, parce que leurs propres parents ne l’avaient pas appris non plus, et ainsi de suite.

Il n’est pas rare que ces jeunes aient aussi été victimes d’abus sexuels ou aient été témoins de comportements sexuels anormaux à la maison. «Les jeunes qui ont été abusés sexuellement reproduisent parfois ce comportement afin d’entrer en relation avec les autres», indique Nathalie Bibeau de la DPJ. «Ils sont aussi des victimes, pense Richard E. Tremblay. Les punir ne servirait qu’à les “victimiser” davantage.»

Selon M. Tremblay, il est fondamental que les troubles de comportement soient dépistés et traités dès la petite enfance, en offrant notamment du soutien aux parents. «Si on intervient à 10 ou 12 ans, il est déjà trop tard», tranche-t-il.

Source : /www.journalmetro.com/Linfo/article/175429?pageno=all

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